Les vignettes roses pour les vaches, les jaunes pour les sacs de céréales et les bleues pour les dollars. Voilà un jeu de cartes pas comme les autres imaginé à Rome, siège du Programme Alimentaire Mondial, pour familiariser les étudiants et futurs dirigeants politiques avec les mécanismes de l’insécurité alimentaire et de la famine.
Théoriques en Italie, ces principes prennent une réalité toute concrète en Éthiopie, où l’on vit chaque jour dans l’angoisse de la sécheresse et des mauvaises récoltes.
Mais la menace de la faim est devenue plus forte encore dans un contexte mondial de flambée des prix et de réchauffement climatique. Face à ces nouveaux défis, l’agence onusienne de lutte contre la faim a compris qu’elle devait repenser son mode d’action.
Après l’époque des distributions massives de sacs de riz, les experts de l’humanitaire ne craignent plus aujourd’hui de faire appel au marché. Bourse, assurance, distribution d’argent… ces outils aussi surprenants qu’innovants semblent ouvrir de nouvelles perspectives à l’aide alimentaire.
Mais ils ne sont pas sans risques. Comment être sûr que cette gestion capitalistique et financière de la faim n’entraînera pas des dérives plus graves encore ? L’Éthiopie ne va-t-elle pas se trouver ainsi exposée au danger de la spéculation, dont on a vu les effets ravageurs en Occident avec la « crise des subprimes », et qu’on accuse actuellement d’être responsable des prix exorbitants du pétrole ? Comment ce pays, déjà vulnérable, pourra-t-il se protéger contre de telles dérives ?
Enfin, obnubilés par « la gestion des risques naturels », « la transparence des marchés », et « la productivité des paysans », ces avant-gardistes de la sécurité alimentaire en oublieraient presque les conflits géopolitiques larvés qui grondent dans le pays. Car la faim en Éthiopie reste une arme redoutable. Et si la technologie et l’ingénierie financière peuvent apporter des solutions à des problèmes naturels ou économiques, on voit mal comment elles pourraient influer sur les tensions belliqueuses responsables de l’insécurité alimentaire dans les régions frontalières.